
Troubles du sommeil : un symptôme de la dépression ?
Les généralistes ont-ils un nouvel outil pour le dépistage des troubles dépressifs ? Les troubles du sommeil (insomnie et hypersomnie) font partie des symptômes majeurs des états dépressifs(1). Détérioration de la qualité de vie, suicide(1) : la dépression et ses effets sont un enjeu majeur de santé publique. Il est important que les professionnels de santé reconnaissent à temps les signes annonciateurs de la dépression. Les troubles du sommeil seraient-ils un nouveau signal d’alarme pour une prise en charge plus rapide des patients en détresse psychique ?
Les insomnies : de quoi parle-t-on ?
L’insomnie se définit comme le ressenti d’une insuffisance de l’installation ou du maintien du sommeil, ou d’une mauvaise qualité restauratrice, associée à des retentissements diurnes à l’état de veille : fatigue, perte de concentration, manque de mémoire, morosité ou irritabilité, erreurs dans la réalisation de tâches(2). L’observation clinique doit porter sur l’ensemble du cycle sommeil-éveil, conçu comme un tout, la notion d’insomnie reposant également sur la plainte ou la description du patient. Le caractère subjectif des troubles, ici comme dans d’autres domaines, nécessite une analyse diagnostique particulièrement attentive, d’autant que les enregistrements du sommeil ne constituent pas une indication pour le diagnostic de l’insomnie(2).
La dépression : ses caractéristiques, ses risques
À la différence d’une baisse de moral ou « déprime » passagères, la dépression dite « caractérisée » est une maladie reconnue se manifestant par une grande souffrance pouvant altérer la vie professionnelle, scolaire et familiale(3). Elle affecte environ 1 personne sur 5 au cours de la vie(1), plus particulièrement les femmes(3).
La dépression peut survenir sans aucun motif apparent, comme elle peut être déclenchée par un évènement de vie douloureux(1). Il semble exister des prédispositions génétiques à la dépression : un individu dont l’un des parents a fait une dépression a deux à quatre fois plus de risque d’être lui-même dépressif au cours de sa vie(1), mais les mécanismes biochimiques intimes de la dépression restent mal connus.
Les symptômes dépressifs ont des répercussions familiales, sociales et professionnelles. Le risque de tentative de suicide est multiplié par 21 en cas d’épisode dépressif(1). La dépression est la première cause de suicide : près de 70 % des personnes qui décèdent par suicide souffraient d’une dépression le plus souvent non diagnostiquée ou insuffisamment traitée(1,4). Les personnes suicidaires ne souhaitent pas nécessairement mourir, mais plutôt mettre fin à une souffrance devenue intolérable(4).
Les troubles du sommeil, signes de dépression ?
La dépression peut se présenter de différentes façons : le plus souvent, les patients évoquent une tristesse, une perte d'énergie et d’investissement dans les activités quotidiennes, un manque de plaisir(5). Mais ils peuvent aussi consulter initialement pour des symptômes somatiques (fatigue, douleurs diverses, troubles du sommeil, perte ou prise de poids, troubles fonctionnels, troubles sexuels...)(5). L’irritabilité, l’anxiété ou des troubles du comportement sont parfois au premier plan, de même que la consommation de drogues ou d’alcool(5). Lors d’une première consultation, le foisonnement de symptômes somatiques ou psychologiques rend le diagnostic difficile. C’est le dialogue avec le patient qui permet alors d’identifier des troubles de l’humeur sous-jacents.
Les troubles du sommeil représentent un symptôme central dans la dépression, évoqués par 60 à 90 % des patients souffrant d’épisodes dépressifs caractérisés(6).
Le sommeil est moins profond, très court et peu réparateur. Le petit matin est souvent marqué par un réveil précoce, avec impossibilité de se rendormir et une grande souffrance morale(4).
Dans d’autres cas, il existe une hypersomnie ; on parle de « sommeil refuge », comme si celui-ci correspondait à un besoin de « fuir ». Mais ce trop-plein de sommeil est insatisfaisant et plutôt abrutissant(4).
Les enregistrements polysomnographiques montrent, chez les sujets dépressifs, une augmentation de la latence du sommeil (délai d’entrée en sommeil paradoxal après endormissement), une augmentation de la fréquence et de la durée des éveils intra-sommeils, une réduction de l’efficacité du sommeil et un réveil précoce. La profondeur du sommeil est nettement réduite et la proportion de sommeil paradoxal, augmentée(6).
Comment prendre en charge l’insomnie dans le cadre de la dépression ?
Le traitement sera établi en fonction de la cause identifiée ou de la pathologie associée susceptible de causer, d’entretenir ou d’aggraver l’insomnie, entre autres si l’insomnie survient dans un contexte de dépression(2). D’autre part, l’insomnie, quant à elle, est en règle générale à évaluer et prendre en charge séparément, le traitement des troubles associés, notamment dépressifs, n’entraînant pas automatiquement le retour du sommeil. En effet, les antidépresseurs requièrent toujours un certain délai avant d’agir sur le trouble de l’humeur(2).
Il faudra aussi favoriser le contraste veille-sommeil, en agissant(2) :
• sur le versant « éveil », par le renforcement des « synchroniseurs » (horaires réguliers, exercice physique, exposition à la lumière naturelle, photothérapie) et par le sevrage d’hypnotiques devenus inefficaces ; la stimulation de l’éveil diurne, en évitant la fin de journée, améliore le sommeil nocturne ;
• sur le versant « sommeil » : le traitement peut faire appel aux techniques cognitivo-comportementales, en fonction de leur efficacité et de leur accessibilité.
La prescription ponctuelle d’hypnotiques à faibles doses, malgré l’absence d’études qui en démontrent l’intérêt, peut s’avérer utile, après réévaluation de la situation du patient,
pour lui permettre de pallier une recrudescence de son insomnie(2).
Caractéristiques de l’épisode dépressif
La définition de l’épisode dépressif caractérisé, retenue par la HAS, est celle de la CIM-10 de l’OMS(7) :
L’épisode dure depuis au moins 2 semaines.
• Le sujet présente au moins deux des trois symptômes principaux suivants :
– humeur dépressive à un degré nettement anormal pour le sujet, présente
pratiquement toute la journée et presque tous les jours, dans une large mesure non influencée par les circonstances et persistant pendant au moins 2 semaines ;
– diminution marquée de l’intérêt ou du plaisir pour des activités habituellement
agréables ;
– réduction de l’énergie ou augmentation de la fatigabilité.
• Présence d’au moins deux des symptômes suivants :
– perte de la confiance en soi ou de l’estime de soi ;
– sentiments injustifiés de culpabilité ou culpabilité excessive et inappropriée ;
– pensées récurrentes de mort ou idées suicidaires récurrentes, ou comportement
suicidaire de n’importe quel type ;
– diminution de l’aptitude à penser ou à se concentrer (signalée par le sujet ou
observée par les autres) se manifestant, par exemple, par une indécision ou des hésitations ;
– modification de l’activité psychomotrice, caractérisée par une agitation ou un
ralentissement (signalés ou observés) ;
– perturbation du sommeil de n’importe quel type ;
– modification de l’appétit (diminution ou augmentation) avec variation pondérale
correspondante.
Pour pouvoir parler de dépression caractérisée et, donc, de maladie, les symptômes doivent(7) :
• Être présents durant une période minimum de 2 semaines et, chacun d’entre eux, à un degré de sévérité certain, presque tous les jours ;
• Avoir représenté un changement par rapport au fonctionnement antérieur (professionnel, social, familial) ;
• Induire une détresse significative.
Les patients souffrant de troubles du sommeil qui consultent leur généraliste cherchent avant tout à pallier un symptôme et à retrouver le sommeil, mais ces troubles peuvent être symptomatiques d’une dépression. Il appartient alors aux généralistes d’évaluer la santé psychique et de prendre en charge la dépression et de ne prescrire les hypnotiques qu’avec discernement. Troubles du sommeil et dépression sont souvent liés : la délivrance d’un traitement pour l’insomnie doit s’accompagner d’un entretien afin d’évaluer le risque dépressif et de faire évoluer le parcours de prise en charge.
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Références :
1. INSERM. Aouizerate B. Dossier d’information. Dépression : mieux la comprendre pour la guérir durablement. Mise à jour le 1er août 2014. Site consulté le 10 avril 2018.
2. SFTG-HAS. Recommandations pour la pratique clinique. Prise en charge du patient adulte se plaignant d’insomnie en médecine générale. Décembre 2006.
3. OMS. Aide-Mémoire n°369. La dépression. Février 2017.
4. INPES. Briffault X. et al. La dépression : en savoir plus pour en sortir. Octobre 2007. ISBN : 978-2-9161-9202-4.
5. HAS. Recommandations de bonne pratique. Argumentaire scientifique. Épisode dépressif caractérisé de l’adulte : prise en charge en soins de premier recours. Diagnostic. Octobre 2007.
6. Wichniak A., Wierzbicka A., Walęcka M. et al. Effects of Antidepressants on Sleep, Curr Psychiatry Rep. 2017;19(9):63 DOI : 10.1007/s11920-017-0816-4
7. HAS. Recommandations de bonne pratique. Épisode dépressif caractérisé de l’adulte : prise en charge en soins de premier recours. Octobre 2017.
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